S’autoéditer, un travail ingrat et… jouissif !
Le choix de ne pas passer entre les Fourches caudines d’un éditeur n’est pas le plus aisé. Il s’impose pourtant aujourd’hui dans un monde qui n’a plus la patience ni l’envie de mettre en avant le talent (je ne parle pas pour moi, je n’ai pas cette prétention), mais cherche d’abord la rentabilité maximale.
En autoédition, la vente moyenne d’un ouvrage tourne autour de… 22 exemplaires !
D’abord, les chiffres, qui disent tout, ou presque, de ce qu’est l’édition aujourd’hui. D’après le Syndicat national de l’édition, le nombre d’exemplaires vendus a atteint son plus bas niveau d’avant la pandémie : 426 millions contre 435. Le chiffre reste en apparence d’importance, vu comme ça, mais c’est l’arbre qui cache la forêt. D’abord parce que le nombre de nouveautés est passé de 44.600 titres en 2019 à 36.232 (soit -19 %). Ensuite parce que la vente moyenne d’un livre publié chez un éditeur classique est de 1.458 exemplaires (source Cultures Etudes du 20 mars 2024), tandis qu’un auteur autoédité en vend, toujours en moyenne… vingt-deux ! Quand on sait que 95 % des auteurs autoédités ont vendu moins de cent exemplaires par ouvrage sur la période 2007-2016, on mesure combien le chemin sera long avant un hypothétique, très hypothétique, succès.
Pourtant, ça ne rebute pas les auteurs en herbe qui cherchent la reconnaissance après avoir, pour beaucoup, essuyé trop de refus de maisons d’édition traditionnelles (on estime qu’elles ne lisent que 10 % des manuscrits qui leur sont envoyés, tant il y en a, la sélection se faisant souvent sur un simple coup d’œil au titre ou à la bio). 21.300 ouvrages ont ainsi été autoédités l’an passé, sur les 85.200 livres déposés à la Bibliothèque Nationale au titre du dépôt légal (nouveautés et rééditions confondues, et tous types de littérature, englobant jusqu’aux livres scolaires ou publications universitaires).
Attention aux maisons d’édition à compte d’auteur. Ce ne sont que des prestataires et c’est vous qui payez tout !
C’est dire l’importance du mouvement qui, aujourd’hui, représente une manne pour toute une flopée d’arnaqueurs à la petite semaine qui, se prétendant éditeurs « à compte d’auteur », vous proposent d’éditer votre livre, sans même le lire, sans en assurer le suivi éditorial, sans le corriger, sans campagne de promotion, sans rien… Ah si, j’oubliais un détail d’importance : ils vous demandent de l’argent. Beaucoup d’argent. Mais c’est assez subtilement fait pour que beaucoup plongent dans le piège tendu. Ainsi, le contrat que vous signez stipule-t-il, généralement, un nombre conséquent d’exemplaires à acheter. Ils sont appelés pompeusement : « exemplaires réservés à l’auteur » et l’on vous dit que vous les vendrez sans peine lors de séances de dédicaces. Il s’agit souvent de 40 à 50 exemplaires, facturés en moyenne autour des 20 €. Faites le calcul, vous voilà déjà délestés de 800 à 1.000 €. Ensuite, on vous dit que, si vous souhaitez une correction professionnelle (on vous le conseille fortement, et à juste titre), il faut rajouter au pot. Entre 300 et 500 €. Mais pour ce prix, rassurez-vous, il ne se passe rien, sauf peut-être un passage par le correcteur de Word, et encore, pour en avoir lu certains de ces livres, je doute fortement. Un correcteur professionnel demande, lui, à minima de deux à trois fois plus cher, suivant le niveau de prestation, mais parce qu’il vous en donnera pour votre argent. Ensuite, on vous fait remarquer que votre couverture, elle n’est pas top. Qu’ils ont un graphiste capable de faire bien mieux pour trois fois rien. 300 ou 400 €, et vous vous retrouvez avec un visuel fait par une Intelligence artificielle qui aura coûté une queue de cerise à ce fameux éditeur. Je vous passe les autres douceurs qui vous attendent, mais sachez qu’après avoir été délesté de deux à trois mille euros, vous allez vous retrouver face à un… imprimeur. Juste ça. Et encore, parfois ne s’agit-il même que d’un sous-traitant agissant pour le compte d’un imprimeur à façon. N’espérez pas de promotion, d’accompagnement, de conseils, vous n’êtes juste qu’une vache à lait qu’il faut traire jusqu’à l’écœurer. Faites un tour sur les forums, les Bookthreads ou les pages dédiées à ce type d’arnaque sur Facebook, c’est édifiant.
Je rappelle, au passage, que l’édition à compte d’auteur consiste à faire éditer ses ouvrages par un éditeur qui assure seulement la partie technique de l’édition et de la diffusion. Si ces maisons gèrent effectivement l’impression (mais celle-ci n’est pas toujours de qualité), elles ne s’occupent en rien de la diffusion. Elles n’offrent qu’une prestation, moins bonne que celle dont vous pourriez bénéficier en passant directement par un éditeur. Sans compter que certains confisquent vos droits sur votre livre (ce qui est illégal) ou prétendent vous diffuser en librairie (ils se contentent de référencer le titre sur la plateforme Dilicom, mais c’est vous qui vous chargerez des envois et de gérer les retours !) et ils vous imposent parfois même une clause vous interdisant de dire du mal d’eux !
Se transformer en auteur-éditeur ou passer par les plateformes numériques ?
Alors, me direz-vous, c’est foutu ?
— Les maisons d’édition ne voudront pas de vous parce que vous n’avez pas un nom connu, garantissant une vente record (la moyenne de vente d’un roman tourne aux alentours de 300 exemplaires, vous comprendrez pourquoi les éditeurs recherchent une locomotive pour financer les pertes sur le reste de leur catalogue…).
— La plupart des maisons à compte d’auteur accepteront votre manuscrit, sans même le lire, pour vous pressurer financièrement, sans chercher à en vendre un seul. Ce sera à vous de faire tout le travail…
Alors, que reste-t-il comme solution ? J’en ai vu deux.
— Se comporter comme un auteur-éditeur, autrement dit chercher un imprimeur, assurer la relecture et la mise en pages (ou sous-traiter), faire soi-même sa promotion, savoir se contenter, dans un premier temps, de ne vendre qu’à quelques amis et à la famille (et encore, bien souvent, est-on tenté de donner la sueur de son travail, rien que pour obtenir des avis), mais pour ça, il faut en vouloir. Parce qu’il faut une volonté de fer pour supporter toutes ces casquettes sur sa tête, même si, je vous l’assure, ça vaut le coup. Pas financièrement, ça c’est raté dès le départ et celui qui me dit avoir fait fortune de la sorte, j’aimerais bien qu’il me le prouve parce qu’à ma connaissance, ils se comptent sur les doigts d’une main amputée de trois doigts, ceux qui ont ainsi percé. C’est pourtant le chemin que j’ai choisi, parce que l’édition, ça a été mon ancien métier et que j’en maîtrise suffisamment les arcanes pour arriver à un résultat que je n’ai pas peur de qualifier de professionnel.
— Deuxième option : je n’ai pas un kopeck, je n’y connais rien, mais j’ai écrit le chef-d’œuvre du siècle. Comment le faire savoir ? Grâce au numérique, via Kindle (compliqué et vous ne restez pas maître de vos droits d’auteur, ce qui est inadmissible), Kobo ou lulu.com. C’est gratuit sur le papier, de nombreux logiciels vous permettent de transcoder votre texte dans les formats compatibles avec les tablettes et vous touchez des royalties sur ce que vous vendez (vous pouvez même souscrire à une option qui permet à vos lecteurs d’obtenir une version papier). Là encore, n’espérez pas décrocher la Lune. Et n’écoutez pas ceux qui prétendent gagner ainsi 40 à 50.000 € par an avec leurs 300 bouquins (sic !), c’est de l’enfumage. Si vous ne disposez pas, déjà, d’un réseau d’amis, de connaissances, voire de fans, vous n’êtes qu’une goutte d’eau dans un océan de bouquins venus du monde entier (beaucoup de trucs abscons, mal écrits, bourrés de fautes, sans intérêt, mais tous les goûts doivent pouvoir s’exprimer, pas vrai ?), quand ils ne sont pas produits par une intelligence artificielle, puisque c’est la tendance actuelle…
Un gain de 9 centimes par exemplaire lu, le début de la fortune !
Pour ma part, j’ai fini par céder aux sirènes du numérique, via Kobo Writing Life. D’abord parce que je reste propriétaire de mes droits d’auteur, ce qui est la moindre des choses. Ensuite, parce qu’il accepte de nombreux formats, se chargeant même, si vous le souhaitez, de transcoder votre fichier d’origine si vous ne savez pas comment faire. J’en ai profité pour souscrire au programme Kobo Plus qui permet aux abonnés de bénéficier gratuitement de milliers de livres (dont les miens, par le fait !), l’auteur percevant une rémunération en fonction du temps de lecture. Pour vous donner un ordre d’idée, pour un livre lu en trois heures (entre 250 et 300 pages), je gagne environ 9 centimes d’euro ! Le début de la fortune…
Dans tous les cas, ce sera un combat de tous les instants. Avec peu de satisfactions pécuniaires, parce que vous avez autant de chances de devenir riche en publiant un livre que de gagner à l’Euromillions, même si vous êtes le plus grand des écrivains du siècle. Quelques euros ici ou là, sur lesquels vous devrez payer des charges sociales (12,8 %) et des impôts. Autant dire qu’il ne vous reste plus rien à l’arrivée. Sauf… Sauf l’essentiel, le bonheur immense que vous ressentez lorsque LE lecteur que vous avez réussi à séduire vous fera part de son ressenti en vous embrassant à distance pour lui avoir donné du plaisir. Et ça, croyez-moi, ça n’a pas de prix…
— Trouver tous mes livres au format numérique sur Kobo et sur le site de la Fnac.com

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