35 ans plus tard, le retour d'un raconteur d'histoires
Trente-cinq années se sont écoulées. J'écrivais toujours, mais pour les autres, racontant des histoires qui ne m'appartenaient pas. J'y ai trouvé l'apaisement, et une inattendue satisfaction à me couler dans des styles différents pour lisser des mots et des phrases avec gourmandise. Mes démons se sont ainsi progressivement apaisés, tout comme, je crois, cette prétention qui avait guidée mes premiers pas dans l'écriture. Je me sentais bien dans l'ombre des autres. Et puis, un jour, dans une voiture que nous partagions avec mon épouse, Daniel et Sylviane, Bill, Natacha et Didier, ce dernier s'est mis à nous raconter une drôle d'histoire. Il y était question d'une boîte et de gamins qui, quarante ans plus tôt, avaient croisé son chemin, par une nuit glaciale. Deux ombres, un garçon et une fille. A peine sortis de l'enfance, traînant un chariot à roulettes comme il s'en faisait à l'époque. Le panier en toile écossaise avait cédé sa place à une boîte en bois rectangulaire dans laquelle, disaient-ils timidement, se trouvait leur petit chat mort qu'ils voulaient enterrer. En pleine nuit ? Par ce froid polaire ? A mains nues ? Mon Didier n'est pas du genre à se poser ce genre de questions. Le cœur en bandoulière, il les a aidés à ensevelir la boîte, pas le moins du monde perturbé par les prières que les enfants psalmodiaient, par la croix qu'ils avaient clouée sur le couvercle, par leurs pleurs qui coulaient en larmes de glace sur leurs joues. Encore moins par le fait qu'ils n'ont jamais voulu qu'il les raccompagne chez eux. Quel chez eux d'ailleurs ? Ils venaient de nulle part. Ils sont repartis de même. Nous avons tous regardé Didier, une question brûlante au bord des lèvres. « Il y avait quoi, en vrai, dans la boîte ? » « Je sais pas. Leur chat ? », il nous a répliqué dans un sourire. « T'es sûr que c'était bien un chat ? Tu l'as pas ouverte, depuis tout ce temps ? » « Ben, non, pourquoi faire ? » Troublé par son récit, je l'ai couché sur le papier le soir-même, dans un de ces carnets qui ne me quittent jamais. Et les semaines ont ainsi passé, jusqu'au jour, où je suis tombé sur ces notes...

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