Jean, mon mentor...
L'avantage, avec le monde de l'édition, c'est que vous n'êtes pas tout seul à envoyer votre prose. Les meilleurs d'entre les éditeurs reçoivent des dizaines de manuscrits par jour. Voire même davantage. Dans mon cas, évitant une étape parce que pistonné, je me suis retrouvé confié au comité éditorial en moins de deux semaines. On me conseillait évidemment d'être patient, et je savais qu'il ne fallait pas, sauf à être un génie soudain reconnu, s'attendre à avoir une réponse avant trois mois, « mais plutôt cinq ou six ». J'avais donc du temps devant moi. Alors, je me suis remis à écrire. J'avais lu moults interviews d'écrivains disant combien il était difficile d'accoucher un deuxième roman lorsque le premier avait été publié. J'ai donc anticipé la crise, et j'ai décidé que j'aurais terminé le second avant même que le premier soit édité. Si tant est qu'il le soit. J'avais six mois devant moi, grosso modo. Autant dire une éternité, l'angoisse de la plage blanche ne m'ayant jamais saisie. Et je me dois de vous raconter pourquoi. C'est grâce à mon mentor, Jean Poggi. J'étais tout jeune journaliste, pas encore diplômé, et j'avais bénéficié d'un stage que les étudiants de deuxième année de l'IUT de Bordeaux avaient snobé : Ici-Paris que, dans leur ignorance de gens de gauche de salon, ils considéraient comme la poubelle de la profession. Alors même que, à l'époque, c'est là et à France-Dimanche ou Détective que l'on formait les meilleurs journalistes d'investigation. Notamment dans le fait-divers. Débarquant de ma province, Jean Poggi était chargé de me dégrossir comme on disait. Il m'a donc tout appris des ficelles du métier, de la "fabrication" de la note de frais (pratiquée de manière artistique et professionnelle par toute la rédaction) à la rédaction d'un article. Chaque matin, sur ma machine à écrire, je trouvais une feuille avec quelques phrases qu'il avait préparées la veille. A charge, pour moi, de taper la suite. Dix lignes, pas plus, mais pas moins. Avant neuf heures. Deux mois de ce régime vous guérissent à jamais de l'angoisse de la page blanche. Merci mon Jeannot, je te dois tout mais je crains de ne pas te l'avoir assez dit. Alors je te le redis avec force.

Commentaires
Enregistrer un commentaire