Mes bouquins ont la bougeotte !

 

Avec l’été, mes livres ont été comme atteints de bougeotte aiguë. Hier matin, ils ont pris la poudre d’escampette et ils sont partis pour se précipiter vers des boîtes à livres, investissant ces espaces de liberté pour mieux se rapprocher des vacanciers. Car ils ont choisi le bord de mer, quelque part sur la côte Atlantique, où j’étais de passage. J’en ai retrouvé quelques-uns, bien au chaud, dans l’attente d’un lecteur occasionnel, et ils avaient l’air si heureux que je n’ai pas eu le cœur de les reprendre. Bonne route, mes enfants chéris et puissiez-vous trouver le bonheur d’être lus par un inconnu qui, j’en suis certain, saura vous aimer et vous aidera à poursuivre votre route, de main en main. Et qui sait, un jour, je vous retrouverai dans une boîte à livres à Marseille, Lyon, Paris, Bordeaux ou La Motte-Beuvron, Carry-le-Rouet ou Grand-Couronne… Vous me raconterez vos rencontres et je vous présenterai vos petits frères… Peut-être même que je croiserai un de ces inconnus qui vous a pris avec délicatesse et qui me demandera : « C’est vous ? » Je ferai un signe de tête, rien de plus, comme on le ferait avec un ami qui vous reconnaît. Alors, il me dira : « Votre livre m’a tellement parlé de vous que j’ai l’impression de vous connaître depuis toujours. » Je répondrai : « Parlez-moi de lui, lequel était-ce ? Était-il heureux ? En bonne santé ? N’était-il pas trop abîmé ? Je ne lui manque pas trop ? » Et il me rassurera d’un sourire mystérieux. Puis il ajoutera : « Il est grand maintenant, il a beaucoup mûri, vous savez. J’ai été son dix-septième. C’est comme ça qu’il nous appelle, nous, ces inconnus qui croisent son chemin et à qui il se livre sans retenue. Il dit qu’il a beaucoup de frères, c’est vrai ? » Je dirai « Oui », et je lui en confierai un. Ou deux, ou tous, je ne sais pas encore, pour qu’il les dépose quelque part dans une boîte à livres et qu’ainsi, de boîte en boîte, mes livres finissent par se retrouver et se raconter leur vie d’errance et de partage. Bonne lecture, chers inconnus…