Et voilà que j’envoie le manuscrit à un éditeur !

Une vie à contretemps


Au début, vous prenez les compliments pour ce qu'ils sont. Ils viennent de la famille et des amis. Forcément, ils ont aimé. Ils ont trouvé ça « vraiment bon ». « Ça ferait même un putain de film, je les vois tes personnages. » Tu te dis que tu ne mérites pas autant de gentillesses. Et puis je reçois ce coup de fil de Daniel qui me laisse comme deux ronds de flanc. « Tu sais quoi ? Je l'ai commencé ce matin, et je l'ai pas lâché avant de terminer. J'ai adoré ! » Daniel a dû lire neuf livres dans sa vie, dont sept à l'école, par obligation, un parce qu'il racontait l'histoire de son premier Rallye-Dakar au volant d'une Renault KZ de 1926, le dernier parce qu'il l'avait écrit pour narrer l'expédition qu'il a faite au volant d'une Colorale pour fêter dignement ses cinquante balais. Alors, qu'il ait lu cette Vie à contretemps, c'est déjà quelque chose qui me touche au plus haut point. Qu'il soit allé au bout, encore plus. Et qu'il l'aime ! Alors là, je me dis que j'ai peut-être, je dis bien peut-être, réussi à construire une histoire qui tient la route. Oui, avec les années et l'expérience, on apprend à devenir de plus en plus modeste avec ses ambitions. Il n'empêche, ça me remue. Et c'est alors, comme un signe, que ma fille se souvient qu'une amie connaît quelqu'un qui travaille pour un éditeur, pas n'importe lequel, et que j'aurais bien tort de ne pas profiter de l'opportunité. J'hésite. Ce n'était pas le but, mais je cède. En écrivant la lettre de motivation, je me sens pourtant illégitime à justifier une démarche pareille, et ça me met une telle pression que j'ai le même sentiment que l'on éprouve à envoyer un CV pour un premier emploi. Les mots sont heurtés, et pourtant je les pèse avec minutie. Ligne après ligne, j'ai l'impression de faire mon étroite et, en même temps, de me la péter. Pourtant, je vais au bout. Malgré la boule au ventre, et je poste le manuscrit et la lettre. Le sort en est jeté. Je suis juste bon pour une crise d'angoisse et un passage aux Urgences qui me remet dans le droit chemin. Qu'est-ce que j'en ai à foutre d'être édité ou pas ? Sauf, qu'évidemment, la machine est lancée...

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